Ce jeudi soir à 22h45, France 3 Nouvelle-Aquitaine propose un documentaire inédit et bouleversant : 1949 : le Grand feu. Réalisé par Laurent Tournebise, ce film retrace l’un des incendies de forêt les plus meurtriers jamais survenus en Europe. C’était il y a 75 ans, et pourtant, les cendres de ce drame historique continuent de souffler sur la mémoire collective des habitants des Landes. Du 19 au 23 août 1949, un feu d’une violence inouïe s’abat sur le massif landais, provoquant la mort de 82 personnes et ravageant plus de 50 000 hectares de pinède. Ce documentaire poignant prend la forme d’une quête personnelle : celle d’un petit-fils qui part sur les traces de son grand-père, l’un des nombreux pompiers anonymes à avoir combattu ce cataclysme naturel. Une œuvre mémoire, intime et universelle, qui questionne aussi notre rapport contemporain au feu.

Une légende noire racontée par ceux qui l’ont vécue

À travers les témoignages de survivants, descendants, historiens et forestiers, le documentaire reconstitue avec précision les cinq jours d’un enfer dont la violence défie encore l’entendement. Les récits sont terribles : hommes encerclés par les flammes, villages menacés, fumée opaque, ciel rouge sang. Le feu, né dans des conditions météo extrêmes et attisé par un vent violent, s’est propagé à une vitesse démentielle. Il n’y avait ni les équipements d’aujourd’hui, ni les protocoles modernes d’évacuation. Les Landes, alors encore marquées par la guerre et les pénuries, ont affronté ce désastre avec des moyens dérisoires. Dans ce climat d’apocalypse, la solidarité s’organise tant bien que mal. Laurent Tournebise met en lumière ces figures de l’ombre : pompiers bénévoles, paysans, forestiers, qui ont risqué leur vie pour contenir les flammes, sauver leurs voisins, ou simplement ne pas fuir. Ce sont leurs voix, pleines de gravité et d’émotion, qui font toute la puissance de ce récit.

Une mémoire collective ravivée face aux feux d’aujourd’hui

Mais 1949 : le Grand feu ne se contente pas de revenir sur le passé. Il met en perspective ce drame avec l’histoire séculaire du “peuple du feu”, comme le qualifient certains intervenants, dont l’identité est marquée par la présence quasi constante des incendies. Depuis le Moyen Âge, les Landes brûlent. La forêt, richesse économique et culturelle, est aussi un piège mortel lorsqu’elle s’embrase. Le documentaire fait un parallèle saisissant avec l’été 2022, où des milliers d’hectares ont à nouveau été détruits dans la région, en particulier autour de La Teste-de-Buch. Ce lien entre 1949 et aujourd’hui questionne l’avenir : que reste-t-il de la mémoire du Grand feu ? Sommes-nous mieux préparés ? Pouvons-nous encore vivre avec la forêt, ou devons-nous apprendre à vivre contre elle ? Autant de problématiques qu’aborde avec finesse ce film qui, loin du simple hommage, alerte sur la récurrence des catastrophes naturelles dans un contexte de réchauffement climatique accéléré.

Ce qu'il faut retenir

1949 : le Grand feu est bien plus qu’un documentaire régional : c’est un voyage dans le temps, un devoir de mémoire et un signal d’alarme. À travers une approche à la fois sensible et rigoureuse, le film de Laurent Tournebise ressuscite un drame largement oublié, en redonnant une voix aux anonymes qui ont combattu les flammes. Il éclaire aussi les failles et les résonances actuelles d’un phénomène toujours plus inquiétant. En retraçant le parcours de son grand-père, le réalisateur dessine en creux le portrait d’un territoire façonné par le feu. Une œuvre puissante, qui donne chair à l’histoire, et rappelle que ce passé brûlant n’a jamais été aussi présent.