Ce soir, à 21h10 sur France 2, place à La Rebelle – Les aventures de la jeune George Sand, une mini-série événement en 4 épisodes, signée Rodolphe Tissot, qui fait souffler un vent de liberté sur l’histoire littéraire française. À mille lieues des reconstitutions figées que l’on redoute parfois dans ce genre d’exercice, cette fresque romanesque et politique remet au goût du jour une icône méconnue ou mal comprise. Faut-il y voir une simple biographie costumée ou une œuvre profondément contemporaine sur l’émancipation, la jeunesse et la fluidité des identités ?

Une héroïne qui claque la porte : bienvenue en 1830

Nous sommes en 1830, dans une France post-révolutionnaire qui peine à accorder aux femmes autre chose que silence et soumission. Aurore Dupin, incarnée par la lumineuse Nine d’Urso (vue dans Hors du temps), quitte son mari tyrannique Casimir Dudevant (joué par Vincent Londez, récemment aperçu dans Lupin sur Netflix) et s’enfuit à Paris. C’est là, dans le tumulte d’une capitale bouillonnante de débats littéraires et d’idées nouvelles, qu’elle se réinvente sous le nom de George Sand. Une métamorphose aussi littéraire que politique. La série, habilement scénarisée par Georges-Marc Benamou, Henri Helman et Élodie Monlibert, épouse le rythme trépidant d’un feuilleton d’aventure : poursuites en fiacre, procès à suspense, passions contrariées et répliques ciselées. À travers cette trajectoire de femme insoumise, c’est toute une époque qui se dévoile — non pas figée dans ses institutions, mais en plein bouillonnement social et artistique.

Une distribution jeune, fraîche et percutante

L’un des paris audacieux de La Rebelle réside dans son casting résolument contemporain. Rodolphe Tissot confie : « Les grands noms historiques évoquent souvent, dans notre imaginaire, des figures vieillissantes incarnant le poids de la sagesse et de l’Histoire ; au contraire, dans « La Rebelle », George Sand a 27 ans […]. On est loin de la reconstitution poussiéreuse. » Et en effet, cela se sent à l’écran. Aux côtés de Nine d’Urso, on retrouve Megan Northam dans le rôle de la douce et cultivée Pauline de Beaumont, et Barbara Pravi, révélée au grand public par l’Eurovision 2021, dans une interprétation vibrante de Marie Dorval, comédienne et amante flamboyante de George. Philippe Torreton, immense acteur de théâtre, vient incarner avec force Bertrand Renault, figure paternelle et patriarcale que Sand devra affronter. Ce mélange de générations et de registres, entre visages neufs et comédiens chevronnés, donne à la série un ton juste, dynamique, toujours en mouvement.

Féminisme, genre et liberté : une icône résolument actuelle

George Sand portait des pantalons, fumait la pipe et signait ses livres d’un nom masculin — tout cela à une époque où les femmes n’avaient même pas le droit de disposer de leur fortune sans autorisation. La série embrasse cet aspect subversif sans jamais forcer le trait. Elle montre une femme libre, sexuellement indépendante, qui assume autant ses amours masculins (Alfred de Musset, Jules Sandeau) que féminins (Marie Dorval). Ce que dit Rodolphe Tissot dans sa note d’intention prend ici tout son sens : « George Sand, il y a deux siècles, faisait déjà voler en éclats le concept de genre. » La mise en scène épouse ce souffle moderne à travers une esthétique vive, des dialogues rythmés et une bande-son discrètement anachronique. Sans jamais trahir l’époque, La Rebelle dialogue avec la nôtre. Une forme de réhabilitation joyeuse et politique, loin des représentations figées des figures historiques féminines.

Quand la littérature devient arme d’émancipation

Les romans de George Sand ne sont pas oubliés dans cette fresque. Bien au contraire, ils traversent la série comme un fil rouge, miroir des combats et des passions de leur autrice. Indiana, Valentine, Lélia… Chaque manuscrit est une pierre jetée dans la mare patriarcale. À travers ses mots, Sand déconstruit les injonctions sociales, invente de nouvelles héroïnes, revendique le droit d’aimer et de penser. Et cette dimension-là, la série la réussit pleinement : elle montre combien l’écriture est un acte de résistance, une conquête de liberté. Même le choix de filmer la bohème littéraire parisienne de l’époque — de Balzac à Musset, en passant par Sainte-Beuve — avec un esprit de troupe, presque de sitcom romantique, participe à cette célébration d’un art vivant, révolutionnaire. Car ce que La Rebelle réussit avec brio, c’est de faire de George Sand une influenceuse avant l’heure. Une femme dont la vie est aussi palpitante que les livres.

Ce qu'il faut retenir

La Rebelle – Les aventures de la jeune George Sand n’est pas une simple fresque historique en corset : c’est un cri de liberté porté par une héroïne flamboyante et par une réalisation qui assume une modernité esthétique et idéologique. En misant sur une distribution jeune et engagée, une narration rythmée et des thématiques féministes audacieusement assumées, France 2 livre une série à la fois romanesque et politique, à mille lieues des sentiers battus. Un bel hommage à une autrice en avance sur son temps, qui n’a cessé de revendiquer le droit d’être elle-même.

La Rebelle - Les aventures de la jeune George Sand

Série historique de Georges-Marc Benamou, Henri Helman (2025)

Avec : Nine d’Urso, Vincent Londez, Megan Northam, David Kammenos, Barbara Pravi, Marie Oppert, Jacques Bonnaffé, Grégoire Oestermann…

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Lundi 14 avril

21H10