L’opéra serait-il en pleine révolution ? Ce jeudi à 22h45, ici Nouvelle-Aquitaine propose une plongée inédite dans les coulisses de l’Opéra National de Bordeaux avec Bordeaux, l’opéra autrement, un documentaire événement qui interroge de front les mutations profondes que traverse cette institution séculaire. Alors que les grandes maisons lyriques françaises peinent à attirer un nouveau public, Emmanuel Hondré, directeur engagé et visionnaire, tente une expérience audacieuse : faire de l’opéra un espace citoyen, accessible à tous, libéré de son image élitiste. Un pari risqué, mais nécessaire, à l’heure où la culture cherche à redéfinir sa place dans une société en quête de sens.
L’opéra en crise ? Une institution à réinventer
Longtemps perçu comme le temple du raffinement bourgeois, réservé à une frange cultivée et aisée de la population, l’opéra traverse aujourd’hui une zone de turbulence. Fréquentation en baisse, publics vieillissants, perception d’un art figé dans ses codes : les maisons d’opéra doivent composer avec un monde qui change à vitesse grand V. Dans ce contexte, l’Opéra de Bordeaux se distingue par sa volonté de briser les barrières symboliques et sociales qui l’isolent. Le documentaire Bordeaux, l’opéra autrement dresse le portrait d’une maison lyrique en mutation, où les œuvres de Verdi ou Mozart ne sont plus les seuls vecteurs d’émotion. Ici, les projets s’ouvrent au hip-hop, aux quartiers populaires, aux amateurs, aux scolaires. L’opéra devient laboratoire, carrefour, espace de dialogues. Mais cette transformation soulève aussi des tensions, des résistances, et interroge la place réelle que peut encore occuper ce type d’institution dans la vie quotidienne des citoyens.
L’Opéra citoyen, un projet politique et poétique
Ce tournant engagé à Bordeaux porte un nom : l’Opéra citoyen. Derrière cette appellation, une ambition assumée par Emmanuel Hondré : faire de l’opéra un acteur culturel ancré dans son territoire, connecté à la diversité des vies qu’il côtoie. Le documentaire met en lumière cette démarche qui bouscule les habitudes. Les scènes du Grand Théâtre ne sont plus réservées aux artistes confirmés : elles accueillent désormais des jeunes éloignés de la culture, des danseurs urbains, des chœurs amateurs. Le film donne la parole à ceux qui, grâce à ces initiatives, découvrent un art qu’ils n’auraient jamais approché autrement. En arrière-plan, la caméra capte aussi les rouages de l’institution, les arbitrages budgétaires, les craintes d’une dénaturation artistique. Car si l’intention est noble, la mise en œuvre est complexe. Peut-on démocratiser l’opéra sans en perdre l’exigence ? Faire place à d’autres voix sans céder au populisme culturel ? Le documentaire ne tranche pas, mais pose les bonnes questions.
Changer l’image de l’opéra : entre engagement sincère et communication maîtrisée
Avec le soutien du Centre National du Cinéma, du Département de la Gironde et de l’Opéra National de Bordeaux lui-même, Bordeaux, l’opéra autrement est aussi une opération de visibilité. La participation de TV7, chaîne locale, témoigne d’une volonté d’ancrage territorial fort. Mais certains ne manqueront pas de s’interroger sur l’équilibre entre sincérité du projet et stratégie d’image. À l’heure où de nombreuses institutions culturelles cherchent à redorer leur blason, cette mise en lumière d’un opéra plus « moderne », plus « inclusif », peut-elle échapper aux soupçons d’opportunisme ? Le documentaire, sans complaisance apparente, confronte ces paradoxes. Il donne à voir un monde en transition, tiraillé entre son passé glorieux et son avenir incertain. Ce qui est certain, c’est que cette expérience bordelaise, inédite en France, pourrait bien tracer un chemin pour d’autres opéras à la croisée des chemins.