Sortie récemment sur Netflix, Le Dôme de verre nous plonge dans un huis clos suédois à la beauté austère et au mystère oppressant. Camilla Läckberg, star incontestée du polar nordique, signe ici une nouvelle série haletante, où passé et présent s’entrelacent dans un labyrinthe émotionnel redoutable. Lejla, une femme à la quarantaine affirmée, revient dans son village natal, un hameau figé entre les traditions rurales et l’arrivée timide du modernisme. Ce retour aux sources aurait pu être banal, mais le décor se fissure rapidement lorsque les ombres de son enfance ressurgissent : un souvenir terrifiant, celui d’avoir été enfermée dans un dôme de verre par un inconnu. Traumatisme refoulé ou réalité mal digérée ? Alors qu’une autre fillette disparaît, la frontière entre mémoire et imagination devient aussi fragile qu’une vitre brisée.
Un décor nordique à l’esthétique froide et magnétique
La série réussit dès les premières minutes à installer une atmosphère typiquement scandinave, tout en tension sourde. Le village, presque hors du temps, semble lui-même prisonnier d’un carcan invisible. Les plans fixes sur les paysages figés, les forêts épaisses, les intérieurs épurés baignés d’une lumière bleutée renforcent le sentiment d’isolement, et ce dôme — réel ou symbolique — semble se refermer autant sur les personnages que sur les spectateurs. Cette maîtrise visuelle, couplée à une bande-son minimaliste mais entêtante, transforme chaque silence en menace et chaque regard en soupçon. Lejla, incarnée avec justesse et retenue par une actrice à la sensibilité à fleur de peau, porte la série sur ses épaules, donnant à voir la complexité d’une héroïne meurtrie, en quête de vérité mais hantée par ses propres démons.
Une enquête psychologique plus qu’un thriller classique
Ne vous attendez pas à une succession de twists spectaculaires à la manière des thrillers américains. Le Dôme de verre avance à pas feutrés, préférant creuser la psyché de ses personnages plutôt que de multiplier les artifices. Chaque épisode distille lentement les éléments de l’intrigue, brouillant les pistes avec une grande subtilité. L’enquête menée par Lejla n’est pas tant une recherche extérieure qu’une plongée introspective dans ses souvenirs, ses failles, ses culpabilités. La question centrale ne devient plus « qui est le coupable ? » mais plutôt : « que sommes-nous capables d’oublier pour survivre ? ». La série joue avec le spectateur, l’invitant à remettre en cause les évidences et à explorer cette zone grise où la vérité se dilue dans la peur.
Camilla Läckberg prouve que la noirceur humaine est universelle
La patte de Läckberg se fait sentir dans chaque ligne de dialogue, chaque rebondissement discret, chaque choix narratif. Fidèle à son style littéraire, elle dissèque ici les tensions familiales, les violences sourdes, les traumatismes d’enfance laissés sans mots. Elle ne cherche pas à choquer, mais à déranger, à faire réfléchir. Si Le Dôme de verre séduit, c’est autant pour son atmosphère hypnotique que pour la lucidité implacable avec laquelle elle évoque le poids du passé. Il ne s’agit pas seulement de retrouver une fillette disparue, mais bien de briser le silence qui, depuis des décennies, a permis aux non-dits de se pérenniser. Le verre du dôme, finalement, est peut-être celui qui sépare les souvenirs falsifiés de la réalité brute.
Ce qu'il faut retenir
Le Dôme de verre
Série polar de Lisa Farzaneh et Henrik Björn (2025)
Avec : Farzaneh Arastoo, Ia Langhammer, Johan Hedenberg, Johan Rheborg, Léonie Vincent, Oscar Töringe…
