C’est un épisode de l’Histoire que la France n’a jamais vraiment digéré. Samedi à 21h, Le Figaro TV propose un documentaire bouleversant intitulé La France sous les bombes alliées : 1942, Rouen sous les bombes alliées. À travers des témoignages poignants, des images d’archives rares et une mise en contexte rigoureuse, le film revient sur le tout premier bombardement diurne américain sur la France occupée, en plein cœur de Rouen. Une date charnière de la Seconde Guerre mondiale, où l’objectif militaire se double d’une tragédie civile.
Rouen, cible stratégique… et victime collatérale
À l’été 1942, les États-Unis, tout juste engagés dans la guerre depuis quelques mois, lancent leurs premières opérations aériennes sur le Vieux Continent. Dans leur viseur, Rouen, un nœud ferroviaire essentiel pour les troupes allemandes. Ce bombardement du 17 août, mené en plein jour par la VIIIe Air Force, marque un tournant : c’est la première fois que des avions américains attaquent directement le territoire français occupé. L’objectif est clair : ralentir la logistique ennemie. Mais les bombes ne font pas la différence entre infrastructures militaires et zones d’habitation. Ce que ce documentaire tente de restituer, ce n’est pas seulement la dimension militaire de l’opération, mais surtout l’impact humain d’un choix stratégique. Quartiers éventrés, civils piégés sous les gravats, familles entières rayées de la carte : derrière l’euphémisme de “dommages collatéraux” se cache un cauchemar éveillé pour des centaines d’innocents.
Les visages oubliés d’un sacrifice imposé
Ce qui frappe dans ce récit, c’est la complexité morale qu’il soulève. Oui, frapper Rouen, c’était affaiblir l’occupant nazi. Mais à quel prix ? Le documentaire plonge dans la mémoire locale pour faire entendre les voix des survivants, des descendants, des historiens, qui tous peinent encore à poser des mots justes sur cette blessure. Car si la France libre a salué l’arrivée des Alliés comme un espoir de libération, ces mêmes Alliés ont parfois semé la mort avant la délivrance. En révélant les histoires personnelles – celle de cette mère qui a perdu ses deux enfants, de ce garçon mutilé à vie, de ces anonymes ensevelis sous les ruines – le film déconstruit la froide mécanique militaire pour montrer l’envers du décor. Il redonne un visage à ceux qu’on a trop souvent réduits à des chiffres dans les bilans officiels.
Une mémoire encore vive, un débat jamais clos
80 ans plus tard, Rouen se souvient. Les plaques commémoratives, les récits transmis dans les familles, les silences aussi, témoignent d’un traumatisme jamais vraiment refermé. Ce documentaire interroge : fallait-il en passer par là pour vaincre ? L’argument militaire se heurte à l’émotion populaire, et le film ne prétend pas trancher. Il éclaire, il contextualise, mais surtout il donne la parole. À l’heure où les guerres contemporaines reproduisent, parfois, les mêmes logiques de frappes chirurgicales aux effets dévastateurs sur les civils, ce retour sur le passé prend une résonance troublante. Ce n’est pas un récit figé, mais un miroir tendu vers notre époque. Et une invitation à ne jamais oublier que derrière chaque bombe, il y a une rue, une maison, un prénom.